call me bitch please - with hollie

call me bitch please

Mara&Hollie

Putain il était déjà quatorze heures quoi. Elle avait donné rendez-vous à une pote au centre commercial à treize heures trente, Tania allait la tuer. Bon, elle lui envoie un texto, attrape ses clés de voiture au passage et sort de l’appartement. Il lui fallait environ quinze minutes pour aller dans le centre-ville. Avant, elle habitait beaucoup plus près du centre mais quand elle avait déménagé, elle avait eu la bonne idée de se rapprocher de son travail, ce qui était en soi une excellente idée, même si un boulot, ça va, ça vient. La preuve, elle songeait déjà à le lâcher ce boulot. Fallait dire qu’elle bossait au salon de tatouage depuis trois ans, c’était bien plus que pour n’importe quel boulot qu’elle avait gardé plus de trois jours. Jamais elle n’avait tenu le coup trois ans, et ce n’était même pas parce qu’elle avait besoin de ce job. Si elle voulait, elle pourrait faire ce dont elle avait réellement envie au fond d’elle, mais elle ne le ferait pas. D’abord parce que ça voulait dire révéler au monde qu’elle était riche, et en plus parce qu’elle n’avait aucune fucking idée de ce qu’elle voulait faire de sa vie.

Quatorze heures seize, elle avait roulé aussi vite que possible. Elle entre dans la galerie commerçante, se dirige vers la librairie devant laquelle elle avait donné rendez-vous à Tania, mais personne. Elle prend son téléphone, un message. Tania s’était barrée, elle en avait marre de l’attendre. Mara jeta un coup d’œil sur l’horloge de son téléphone. Franchement elle exagérait, elle avait à peine attendu quelques dizaines de minutes. Elle avait qu’à prendre un café putain au lieu de se plaindre et de se barrer comme ça. Maintenant qu’est-ce qu’elle allait foutre toute seule dans le centre commercial ?
Mara leva les yeux au ciel avant de commencer à marcher dans la galerie, les mains enfoncées dans les poches de son jean. Elle n’avait jamais été vraiment fan des magasins, ça la rendait dingue quand elle était plus jeune et que sa meilleure amie voulait absolument aller faire du shopping. Par contre elle pouvait carrément se perdre pendant des heures dans une librairie. Justement, la librairie faisait le coin de la galerie. Elle se trouvait en face d’un magasin de fringues à la mode et juste à côté d’une friperie et d’un magasin d’électroniques.
La jeune femme commençait à feuilleter les livres qui se trouvaient bien soigneusement rangés devant l’entrée du magasin. Elle n’avait jamais compris comment ce libraire laissait des livres à l’extérieur de la boutique. Plutôt confiant le gars. Elle rêvassait quand elle fut bousculée par un jeune.

Hé, vas-y hein ! T’inquiètes pas pour mon bras j’en ai un deuxième, crétin !

Elle n’avait jamais été du genre discrète Mara, elle se foutait que tout le monde la regarde. Il l’avait bousculée ce con, autant lui faire savoir qu’elle avait remarqué.

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Mara&Hollie

Mara elle avait le nez plongé dans un bouquin après que ce sale morveux d’environ seize ans lui ai presque arraché le bras. Bon d’accord, elle exagérait un tout petit peu en disant qu’il lui avait défoncé le bras mais il devait bien se rendre compte qu’il devait le respect à ses ainés. C’était qui ce gamin pour croire qu’il pouvait bousculer quelqu’un et s’en aller comme si de rien n’était. Même si ce n’était qu’un léger coup de coude, qui n’avait même pas fait mal à Mara, il se devait de se comporter comme un homme, d’assumer ses responsabilités et de dire pardon. C’est vrai non, et ça venait de la reine de la franchise, tu parles. La meuf qui avait piqué le mec de sa meilleure amie et qui avait décidé de lui tourner le dos et de l’ignorer purement et simplement. Elle se fichait des gens, elle n’aimait pas les gens, la seule chose qui comptait pour elle, c’était sa putain de gueule.
Et cette jolie petite gueule était à présent plongée dans le bouquin écrit par une illustre inconnue, à moins que ça soit un mec avec un prénom pareil. Elle ne regardait pas ce qu’il se passait autour d’elle, trop absorbée par le style complètement nul de cet écrivain. Mais alors qu’elle refermait le livre pour le remettre sur l’étagère, son regard croisa un regard qu’elle connaissait par cœur, un regard qui avait fait partie de sa vie pendant cinq longues années. Des yeux beaucoup trop beaux, un visage beaucoup trop parfait, un corps beaucoup trop atomique, la somme de tous ses cauchemars était en train de s’avancer et elle n’avait pas l’air content.

Mara s’apprêtait à ouvrir la bouche quand elle sentit les doigts fins de la jolie Hollie s’écraser violemment contre son visage. En cet instant, tout ce qu’elle sentait c’était une chaleur écrasante, comme si sa peau était littéralement en train de bouillir. Sa peau pinçait, elle ressentait des picotements partout, du bas de sa joue jusque dans sa tempe. La colère se lisait dans le moindre pore de sa peau. Personne ne lui avait dit de ne pas froncer les sourcils, que ça attirait les rides ? Une chose était certaine : elle était toujours aussi canon, ce qui avait le don de faire grimper la jalousie d’un cran chez Mara.
Une fois le choc de cette gifle passé, la blonde replongea les mains dans les poches de son jean et la toisa avec son petit rictus, celui qui agaçait n’importe quelle personne qui croisait son chemin.

Non mais ça va pas, t’as tes règles ou quoi espèce de dégénérée ? Tu peux me dire ce qui te prend ?

Elle ne l’avait quand même pas frappée pour une histoire qui datait de plus de sept ans, si ? Non, Hollie devait avoir avancé dans sa vie, elle n’était pas restée à cet épisode malheureux. Et puis pourquoi elle entamait la discussion, elle allait être forcée de parler après. Elle était juste là pour passer en revue les nouveautés chez son libraire attitré.

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Mara&Hollie

Hollie, elle ne l’avait plus vue depuis qu’elle lui avait gentiment piqué son mec. Depuis qu’elle s’était envoyée en l’air avec lui pendant une soirée qui n’aurait jamais dû avoir lieu, une fête à laquelle elle n’était même pas invitée. Elle s’était incrustée, c’était chez des potes de dernière année, elle s’était bien amusée mais elle avait bu, beaucoup trop bu, elle avait senti l’alcool parcourir ses veines avant de remonter jusqu’à sa tête, une tête qui devait peser pas loin des cent kilos. Elle s’était sentie lourde, elle s’était sentie mal, et puis elle l’avait vu, il était venu près d’elle, il lui avait demandé si elle voulait boire un verre d’eau, il lui avait demandé si elle voulait qu’il la ramène, elle avait répondu qu’elle avait pas envie de rentrer.
Ils avaient trouvé une chambre, ils s’étaient envoyés en l’air, mais c’était le trou noir après ça. Evan, elle l’aimait bien, elle l’avait toujours trouvé canon, mais elle s’était jamais dit que lui et elle pourraient former un couple. Et puis ça avait tenu cinq ans, cinq putains d’années au cours desquelles elle s’était même pas amusée. Il voulait la museler comme un chiot, il voulait qu’elle arrête de s’amuser et qu’elle grandisse un peu. Mais elle voulait pas grandir elle, elle voulait s’éclater.

Tout ça pour quoi au final ? Pour rien, mais Hollie n’avait pas besoin de le savoir. Cette conne de miss perfection qui s’était toujours cru meilleure qu’elle. Cet air supérieur qu’elle se donnait au lycée, elle avait tellement détesté ça Mara. Rien qu’à y repenser, elle avait des frissons qui lui parcouraient l’échine. Elle écoutait le discours de son ancienne meilleure amie. Et bien, elle en avait des choses à lui dire. On dirait presque qu’elle s’était retenue pendant tout ce temps. Merde quoi, elle avait rien d’autre à foutre ?

Et bien, tant de vilains mots dans la bouche de miss perfection. Tes proches doivent être tellement fiers de toi.

Un nouveau rictus, le même, celui que tout le monde détestait tellement, et les yeux qui roulent vers le ciel. Elle la détestait toujours autant. Enfin non, elle ne l’avait jamais détestée Hollie, elle l’aimait bien en fait, quand elles étaient toutes les deux et que personne ne pouvait remarquer Hollie plus qu’elle.

Mais t’as raison, je suis qu’une merde, d’ailleurs j’ai toujours été une merde. Tu le sais non ? Tout le monde le savait à l’époque donc on se demande laquelle des deux a été la plus conne pour me faire confiance.

Les mots blessaient, elle s’était infligée beaucoup de reproches depuis la mort de Vik, mais ça c’était son problème, son secret, son merdier. Mais elle savait ce que les gens pensaient d’elle, et elle s’en foutait.

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Mara&Hollie

Elle touchait là où ça faisait mal la salope. Mara savait qui elle était, elle savait qu’elle n’avait aucun respect pour personne, c’était sa marque de fabrique, son être profond, mais Hollie elle n’était pas comme ça, c’était une gentille Hollie, elle était douce, franche mais douce, c’était pour ça qu’elle l’énervait par moment. Mais ses paroles aujourd’hui, elles faisaient sacrément mal putain. Oh bien sûr qu’elle les méritait, bien sûr qu’elle lui avait piqué son mec et qu’elle méritait tout ce déferlement de haine intense, mais bordel, s’en prendre à son père, c’était quand même cruel, c’était méchant, ça frappait fort, dur, intensément, ça lui donnait envie de chialer. Mais elle pouvait pas, pas devant la meuf à qui elle avait probablement ruiné la vie, ou en tous cas une partie de sa vie. Elle pouvait pas se mettre à chialer parce qu’elle avait raison. Ses parents n’étaient pas fiers d’elle, ils n’avaient aucune raison de l’être, mais son père elle l’aimait bordel, elle l’aimait plus qu’elle n’avait jamais aimé personne, alors elle n’avait pas le droit de dire ça. C’était trop.

J’vois que les nouvelles vont vite. Merci pour la carte d’ailleurs à moins que… ah non, tu d’vais pas être là.

Elle n’était pas là, elle ne s’était jamais pointée quand son père était mort. Elles avaient été les meilleures amies du monde, mais c’est tout, une époque révolue, une époque qui faisait mal, un souvenir évanoui dans la brume. Elle en avait chié Mara à cette période. Sa rupture avec Evan elle s’en foutait royalement, mais son père ça avait été un choc, personne ne s’y attendait, c’était arrivé, comme ça, comme ça pouvait lui arriver à elle aussi si elle se décidait pas à passer les examens. Mais elle n’avait jamais aimé ça les examens, elle les ferait pas, point barre.

T’as raison Hollie. Il est mort, il a crevé tout seul dans sa chambre, un putain de câble qui a pété dans le cerveau. Il a jamais eu l’occasion d’être fier de moi, pas grave, il y a les deux autres pour ça. Il est mort, et toi t’as la chance de les avoir, alors va vite retrouver papa et maman et fous-moi la paix.

Elle avait repris un bouquin dans ses mains, mais elle s’en foutait du bouquin, elle avait envie de partir d’ici, mais elle partirait pas la première, elle lui ferait pas ce plaisir. Et apparemment elle avait encore des trucs à lui dire Hollie. Mais en entendant ses paroles de vipère, Mara posa le livre sur l’étagère et lui répondit, toujours avec cet air de suffisance tellement jouissive :

Dis-moi un truc Hollie, si t’avais été si loyale et si franche, on n’aurait pas dû avoir cette discussion il y a sept ans hein ? Pas si franche que ça la super amie hein ?

Mara aurait clairement préféré s’expliquer il y a sept ans, lui faire comprendre que c’était sa jalousie qui avait eu raison de leur amitié, mais elle avait tourné le dos, et Hollie n’avait pas essayé de la rattraper. Elle en avait déduit que leur amitié ne comptait pas. Parce que Mara aurait pu quitter Evan, elle en avait rien à foutre de lui au fond.

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Mara&Hollie

Hollie touchait des points sensibles, elle la connaissait par cœur la blonde, elle savait exactement ce qu’elle devait dire pour lui faire mal, elle savait ce qu’elle devait faire pour qu’elle se sente comme la pauvre sous-merde qu’elle tentait d’oublier qu’elle était. Hollie avait été le seul lien vraiment solide de la vie de Mara. Mara elle avait jamais vraiment eu de potes, elle avait jamais eu de copines vraiment sincères, la seule en qui elle croyait et la seule qui avait partagé suffisamment d’années de sa vie pour se permettre de s’appeler « amie », c’était elle, c’était Hollie. Sa blonde. On lui avait dit qu’il ne fallait jamais se livrer à personne parce qu’un jour ou l’autre, on en souffrait atrocement. Et bien voilà, on y était. Chaque parole, chaque geste, chaque reproche, tout ce qu’elle se prenait dans la gueule, elle le prenait aussi dans son corps, comme des milliers de coups de couteau qui s’enfonçaient, encore et encore en elle. Elle avait mal Mara, elle crevait de mal en réalité, mais elle essayait de ne rien montrer. Elle voulait pas lui donner cette putain de satisfaction.

OH c’est vrai, tu étais tellement parfaite comme amie, quelle chance j’avais de t’avoir dans ma vie. Tu devrais t’enregistrer et t’écouter quand ça va pas, tu es un formidable gourou de l’auto persuasion tu sais.

Elle commençait à en avoir marre de cette discussion à la con, vivement qu’elle se casse qu’elle puisse reprendre son activité, fouiller les livres et se plaindre du mauvais choix du libraire. Mais apparemment, Hollie n’en avait pas encore fini avec elle. Tant pis, elle allait l’écouter jusqu’au bout et puis, cette petite conversation était fort sympathique au fond. Ça lui permettait de se défouler un peu. D’habitude elle se servait du groupe de paroles pour ça mais après tout, changer d’environnement ça faisait du bien parfois.
Et voilà qu’elle l’attaquait encore sur la rupture avec Evan et le fait qu’elle lui ai piqué son mec. Merde, si elle avait su que ça l’aurait fait autant chier, elle y aurait réfléchi à deux fois. Quoique non en fait, elle aurait quand même fini par lui piquer son mec.

Oh mais détrompe-toi, j’assume complètement le fait de t’avoir piqué ton mec, tout comme j’assume le fait de m’être barrée. J’avais rien à te dire, d’ailleurs j’ai toujours rien à te dire. D’ailleurs pourquoi on est en train de parler là ?

Possible échappatoire, il fallait qu’elle en profite, même si elle avait la drôle d’impression que Hollie n’avait pas l’intention de s’éloigner. Elle attrapa un nouveau livre qu’elle feuilleta un peu, avant d’ajouter.

Au fait, je t’ai rendu un super service quand on y réfléchit bien. Bah oui, si Evan n’avait pas couché avec moi, ça aurait été avec une autre de toute façon. Au moins tu peux en vouloir à quelqu’un.

Si elle le pensait ? Oui, un peu, sans doute. C’était d’une tristesse…

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Mara&Hollie

Le discours de petite miss parfaite avait de quoi rendre Mara complètement dingue. Mais elle faisait semblant de l’écouter, elle lui donnait cette impression d’importance dont elle avait apparemment tellement besoin. Mara avait toujours détesté cette façon suffisante qu’elle avait de parler d’elle, cette manière désinvolte de faire la liste longue comme le bras des nombreuses choses qu’elle faisait apparemment mieux que les autres. Mara n’aimait pas les gens parfaits, parce que parfaits ils ne l’étaient qu’en apparence et ils refusaient de montrer au monde entier qu’eux aussi étaient faillibles, et qu’ils n’étaient souvent pas aussi parfaits qu’ils ne pouvaient le faire penser. C’était dingue ça. Alors, en feuilletant le livre qu’elle venait de prendre dans sa main, elle écoutait Hollie, lui donnant toute l’attention qu’elle semblait vouloir.
Elle n’avait jamais poignardé ses amies dans le dos certes, mais peut-être aurait-elle dû au final, ça aurait sans doute évité cette conversation puisque Mara n’aurait même pas voulu lui adresser la parole.

J’espère que c’est quand même pas ton seul critère de sélection parce que tu risques d’éliminer pas mal de monde. Ce n’est sans doute pas le cas dans ton monde de bisounours, mais les gens se trahissent tout le temps Hollie, ouvre les yeux !

Qui n’avait jamais menti ou trahi une personne ? C’était devenu monnaie courante, il fallait simplement être capable de jouer aux adultes et d’accepter que le monde entier n’était pas parfait. Parce qu’elle pouvait la traiter de salope ou même de pute, mais dans ce cas-là elle allait pouvoir insulter encore beaucoup d’autres personnes. Certes, les agissements de Mara l’avaient touchées elle personnellement, mais elle allait encore en rencontrer des filles comme elle, alors autant qu’elle se prépare tout de suite.

J’ai atteint le grand objectif de ma vie, j’en suis tellement fière. Et très émue aussi, un véritable honneur.

Bien sûr qu’elle se moquait d’elle-même, et bien sûr que cette nouvelle insulte avait été comme un coup de poignard en pleine poitrine, mais que pouvait-elle dire ou faire ? Tout ce qu’elle se prenait dans la gueule, elle l’avait mérité, alors elle assumait, de toutes ses forces. Elle eut un sourire en coin et leva les yeux de derrière son livre en lui répondant :

Oh non, tu dois avoir une formidable carrière dans le journalisme comme tu en rêvais, alors que moi j’erre dans les rues comme une âme en peine, c’est ça ?

Si elle avait réussi à avoir tout ce qu’elle voulait, alors tant mieux pour elle. Mara se débrouillait, c’était tout ce qu’elle pouvait faire de toute façon. Se débrouiller, vivre, survivre en tous cas.