all night long (lotte)

Ca suinte de partout. Même sous son habit de feu, barrière ultime, ça sent le brûlé. Trop près. Encore plus près. Elle n’avait pas été vigilante, elle s’en rendait compte. Trop tard. Probablement une leçon. Une autre cicatrice à dissimuler. Autour d’elle, ils la regardent. Les autres, de service. Elle sent un léger sourire de Jacob. Satisfait de ne pas l’avoir dans les pâtes pour quelques jours, probablement. Pour ne pas croiser ces deux marées noires qu’elle crache en le croisant dans les couloirs de la caserne. A peine libérée de la pression du boss, libéré de son joug étriqué. Et elle passe par la case hôpital. Elle en rit. Ouvertement dans le camion. Les autres se tournent vers elle, inquisiteur. Ca lui ressemble pas de rire. Ca lui ressemble pas de sourire et d’émettre un son. Mais le camion n’est pas fait pour transporter les blessés. Il tangue et elle avec, se heurtant parfois, ranimant la douleur là, sur son flanc. La où les flammes ont dévoré le tissu et mordu la chair. Elle serre les dents, à dire vrais. Inutile d’en rajouter, il y a trois autres blessés. Deux citoyens. Un autre pompier. Elle aurait aimé que ce soit Jacob, mais Jacob ne prend aucun risque. Et sans risque, aucune raison de se blesser. C’est Pedro, qu’elle distingue allongé, blanc. Elle est surprise. Il a toujours été plutôt discret, pour tout dire. Il n’a jamais rien dit, quand les autres assassinait un peu plus Lotte. Et il ne disait toujours rien, maintenant, alors qu’elle avait globalement signé une déclaration de guerre à ses collègues. Un type gentil. Elle sert un peu plus fort la barre pour éviter de se cogner, pour éviter de sombrer. Le poings serré fort, à s’en casser les jointures. Ca permet de pas penser à la douleur.
Quand le camion s’arrête, toute sirène hurlante, elle se précipite dehors. C’est comme un besoin urgent d’air. Pourtant, elle sort un paquet de cigarette, pour s’empoisonner un peu. Vite. Il lui faut sa dose, toute tremblante. Le temps d’évacuer les autres. Elle reste là, sur le côté, la main avec son tulle gras sur les côtes. Le manège d’urgence lui ferait presque oublier le monde qui l’environne. Comme si elle était ailleurs. Elle tire sur sa clope comme pour s’accrocher à un autre monde. La où elle a pas mal partout. C’est une rouquine qui la tire de son échappée. Lotte la suit sans protester. Elle respecte bien trop ces gens. Ces infirmiers, aux mains toujours ensanglantées mais au regard figé. Ils en voyaient probablement plus qu’eux -quoi que- et elle était bien souvent la première à vouloir les laisser aider les autres. Non pas par sacrifice, mais bien parce qu’elle savait qu’il y avait pire qu’une brûlure ou deux dans le monde. Elle se fait asseoir et regarde cette rousse à la peau pâle et aux yeux azures. Ils lui font penser à Alec. Comme un écho à tout ce qui déraille un peu partout ailleurs dans sa vie.

-- Bjornsdottir. Lotte. Et toi ?

Elle demande en cherchant un badge quelque chose. Mais elle s’en désintéresse bien vite, obéissante. Elle relève son débardeur pour révéler la brûlure. Ardente.

-- J’imagine que c’est pas joli, hein ? Mais ça devrait pas te prendre trop longtemps. L’équipe m’a filé ce machin gras pour aider. Dis-moi qu’ils ont eue raison, ils seraient capable de vouloir me voir crever.

Elle sourit pas. Mais la voix est douce. Calme. Pour marquer l’humour, à travers la triste vérité. Ils pourraient réellement placer une gaze de sel s’ils le pouvaient. Jacob serait prêt. Ca faisait longtemps qu’elle avait pas glissé un peu de froid entre ses mots. Mais elle est encore à fleur de peau, faut croire. Encore habitée. Encore secouée. Par lui.

@bella callahan