nuit blanche, pensées noires (lotte)

Invité

Trois heure trente quatre du matin. La salle de repos est déserte, quasi silencieuse. Dans le téléviseur, Trump déballe inlassablement des inepties inédites en sourdine. Max est affalé sur une chaise, un paquet de m&m's reposant mollement sur ses genoux. Le regard perdu dans le vide. La marmotte qu'elle est habituellement n'a pas réussi à trouver le sommeil au sommet d'un des lits superposés du dortoir. Elle avait songé à filer droit à la salle de sport pour s'entrainer jusqu'à épuisement mais en réalité elle était terriblement fatiguée. Non, pire que ça. Elle était lasse. Le changement de saison ne lui réussissait pas, les températures qui se rafraichissaient et les arbres qui commençaient à changer de couleur. Tous ces signes qui la ramenaient tout droit au soir où son frère avait perdu la vie. La raison pour laquelle tous les ans entre Thanksgiving et Halloween, elle disparaissait pour passer quelques jours au Mexique au bord de l'océan, loin des souvenirs brutes et sanglants qui avaient détruit sa famille. D'habitude Max parvenait à garder le sourire, à se montrer forte. Ce petit bout de femme d'à peine 1m55 qui se démontait jamais connaissait une nuit blanche avec des pensées noires, rien de bien méchant mais contrariant quand même. Elle qui arrivait toujours à se re-motiver et à voir la vie du bon côté. Son optimisme naturel était défaillant ce soir-là. Même les vidéos drôles qui passaient dans son feed Instagram ne parvenait pas à lui remonter le moral. Elle enfourne une poignée de m&m's dans sa bouche lorsqu'elle entend du bruit derrière elle. Elle sait qu'une partie de l'équipe est déjà partie en intervention pour une suspicion d'incendie dans le quartier Sud, Lotte était partie avec eux mais visiblement elle était de retour car la jolie brune fit irruption dans la pièce. Alors, qu'est-ce que c'était ? Max regrettait de ne pas avoir été sélectionnée par le chef pour partir avec eux, elle avait remarqué ces derniers temps que le chef de la caserne avait tendance à ne pas les mettre ensemble sur les interventions, ce qui l'agaçait horriblement.

Some of them men think
They freak this like we do
But no they don't

La sueur lui collait à la peau. Cheveux greffés à la peau du visage, elle regardait l’équipe déambuler dans les couloirs, se lançant des tapes dans le dos, criant à tue tête. Fierté virile par excellence. Pas un mot à son intention. Une ignorance aussi glaciale que le vent du nord. Banalités.Trois heures trente quatre. Matinée bien entamée ou déjà passée. Elle savait plus trop, toujours en décalé. Enlisée dans une routine, elle se contente de retirer sa tenue, épaisse et poisseuse, usée. Il fallait qu’elle se désengorge de sa rancoeur croissante au souvenir de cette nuit. De ce feu. De ces hommes. Une simple suspicion. En fait, il n’y avait rien. Jusqu’à ce qu’un idiot du service ne se dise que ça manque de lumière et n’allume cette allumette. Elle craque dans la nuit, vacillante, jusqu’à se consumer, se noircir et tomber encore brûlante au sol. Sauf que dans une usine, le sol n’est jamais clean. IL avait déclenché l’incendie. Et quand elle avait tenté de le retenir, ils s’étaient tous tournés vers elle accusateur. Trop virulente. Trop sûre d’elle. Lotte ne cessait de constater leurs erreurs et leurs échec elle qui n’avait, pendant ces quatre années, eue seulement son travail pour la combler. Elle se sentait de plus en plus écœurée par leur avilité constante. Et Max, cette nouvelle. Reflet d’elle-même. Copie féminine de la virilité oubliée par les autres collègues. Pourtant, elle n’était pas là. Toujours à distance ici, dans cette caserne. Comme effrayés, ils semblaient tenter de les diviser. Peut-être n’avaient-ils pas conscience que ces deux démones pourraient bien les briser. Lotte était plus qu’heureuse de voir venir cette nouvelle recrue. Enfin, après quatre années, une femme de plus venait prouver qu’il n’y a pas besoin d’une paire de gros bras pour exceller dans son métier. Lotte, elle respectait déjà Max et souhaitait, pour la première fois, devenir une réelle amie. Un pour tous et tous dans la même merde.
Elle arrive dans l’aile sud pour un repos bien mérité après cette douche express. Histoire de se laver de l’effort, de la sueur et de la rancoeur. Elle regrettait qu’Alec ne soit pas là. Avec ses paroles rassurantes et ses efforts de transi. Elle aurait eut besoin de lui, bien que cela la tue de le reconnaître. Besoin. d’Alec. Cela n’avait pas été une pensée aussi lourdement proche d’une réalité. Elle pourrait l’appeler. Là, maintenant. Et il accourait. Fini les milliers de bornes qui les séparaient. Elle esquissa un sourire en entrant dans la salle de repos de l’aile sud. “Alors, qu'est-ce que c'était ?” Elle en sursaute, prise par surprise, elle, perdue dans ses pensées. Max a l’air plus qu’intéressée. Avec son paquet de M&M’s, Lotte identifie des cernes bien trop marquées.

-- C’était rien jusqu’à ce qu’un stupide connard de Jonas ne craque une allumette en oubliant les règles de sécurité en usine.

Un enfer. Il avait déclenché un enfer.
Mais la nouvelle devait s’en douter. En fait, elle devrait même s’y habituer. Pompier rime parfois avec stupidité ici.

-- Je comprends même pas pourquoi t’étais pas avec nous.

Comme si il valait mieux éviter de les réunir, de les mettre à deux. Pourtant, elles seraient sans doute plus efficace.

@max wendell